L'ornementation, à l'intérieur de l'église, est pour le moins singulière et s'inspire de plusieurs époques,
"le symbolisme des figures grossières et grimaçantes qui s'étalent sur les parties livrées aux sculptures est satirique plutôt que religieux", d'après l'abbé G. Tholin.
Et M. Cote-Colisson note de son côté "église à la fois romane et gothique à sculpture plutôt énigmatique".
En fait, les styles s'opposent ; le réalisme des macarons (scènes de chasse, buste de femme, figure humaine, écu de France aux trois fleurs de lys,…), contraste avec la finesse de quelques petites têtes, des bouquets de rose et des feuilles
L'univers des sculptures du Moyen Age est déconcertant: peu de scènes bibliques, essentiellement de l'ancien testament et pratiquement pas des évangiles,.... mais beaucoup de bestioles bizarres voire hideuses.
Le même style de représentations se retrouve bien sûr ailleurs en France ainsi qu'en Angleterre, en Espagne, en Italie ... pour faire court dans toutes les zones explorées par les moines de Cluny.
L'univers des sculpteurs est assez binaire car l'essentiel de leurs œuvres ont pour thème le combat intérieur entre le Bien et le Mal.
Aller au ciel pour le commun des mortels c'est l'assurance de la Vie éternelle. Ce parcours spirituel est une succession d'épreuves. C'est peut-être celui ou règne Lucifer mais celui-ci n'est pas encore représenté directement. C'est la recherche de la perfection et non la crainte de l'enfer qui est montrée.
Les premières sculptures dites romanes représentent, avant tout, une démarche spirituelle. L'être humain et surtout son âme sont l'unique centre d'intérêt du sculpteur. Il montre comment celui-ci, qui ne possède que son âme, le seul bien auquel il tient plus qu'à sa vie terrestre, doit s'élever pour aller au ciel pour l'éternité. Il doit repousser ou vaincre ses Mauvais penchants et ses passions dévorantes semblables à des monstres carnivores ou rampants. Il doit faire son parcours spirituel qui va le rendre plus fort après avoir repoussé les tentations du Malin, ce qui le conduira à la conversion. La route du ciel lui est ouverte mais il doit rester vigilant ! Il doit consolider ses acquis spirituels. Il doit orienter vers Dieu et le Ciel ses pensées profondes. En effet, le sculpteur invite à la réussite spirituelle - une démarche positive -, et non à vivre dans la crainte et la peur de souffrances éternelles - une démarche négative -! Le mal ne peut être vaincu que par la prière et une véritable conversion, un retour à Dieu. Tel est le principal panorama qu'il s'agit de décoder lors des visites!
Jean Cassien (*) nous donne d’ailleurs un éclairage intéressant pour lire ces monstruosités sur les chapiteaux :
"comme le dit Notre-Seigneur, nous agissons par des motifs de gloire humaine, alors les trésors enterrés sont volés par les démons, détruits par la rouille de l'amour-propre et dévorés par les vers de l'orgueil, de sorte que nous n'en retirons aucun profit, aucune récompense. Il faut donc sonder tous les replis de notre cœur et en bien examiner tous les secrets, afin de voir si l'ennemi de nos âmes, si le lion, le dragon infernal, n'y a pas pénétré, en y laissant des traces qui pourraient y conduire des bêtes semblables, si nous négligeons de veiller sur nos pensées. Il faut à chaque heure, à chaque instant, labourer la terre de notre cœur avec la charrue de l'évangile, avec le souvenir continuel de la croix de Jésus-Christ, pour découvrir la retraite des bêtes dangereuses, et détruire les trous des serpents dont le poison est mortel."
(*) Jean CASSIEN a laissé une œuvre doctrinale importante, dont les Institutions cénobitiques (De Institutis cœnobiorum et de octo principalium vitiorum remediis, écrit vers 420) et les Conférences (Conlationes ou Collationes), ouvrages consacrés à la vie monastique, qui ont profondément influencé le monachisme occidental du Vème siècle à nos jours, notamment en raison de leur reprise dans la règle de saint Benoît...
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