Le 18 avril s’est déroulé dans l’enceinte magnifique du prieuré de Moirax, le spectacle clôturant la Semaine des Artistes organisée tous les deux ans par le diocèse d'Agen.
Cette rencontre a permis l'expression originale d’artistes locaux autour du thème « Parole et Corps ou le Verbe s’est fait chair »
Le thème est venu s'inscrire dans le processus de création de Mélody Vuano-Lasho, danseuse contemporaine qui a dansé à Montpellier, Bordeaux ou Paris.
Elle signait là sa toute première création intitulée " Vanité ".
Une personne voilée, assise à même le sol apparait. Religieuse ou musulmane ? Lorsque l’Adhân ou appel à la prière retentit, le doute n’est plus possible. L’adhân fait appel à un rituel très précis. La danseuse est coincée dans ses voiles, dans ses préceptes.
Puis petit à petit elle se lève et commence à se balancer au rythme de sons répétitifs, lancinants comme les battements du cœur, comme une respiration parfois saccadée.
Difficile de s’extirper de la glaise qui nous ramène sans cesse à la terre dont nous sommes tirés. La danse se fait de plus en plus lascive, avec des mouvements de bassin typique des danses orientales. « Ce sont les tripes qui parlent » selon les mots même de l’artiste. Et au fur et à mesure que la danseuse se dénude, la vérité se dévoile. Le corps laisse transparaitre nos émotions, notre âme. L’indécence du corps peut faire peur voire dégoûter, et nous révéler nos résistances face à nos peurs. Comment accepte-t-on de se laisser interpeler par ce qui me dérange ? Sous forme de questionnement spirituel, la chorégraphie de Mélody ne peut nous laisser insensible. Nous sommes un peu comme Jacob dans son combat avec l’ange de Dieu. « Nous ne sommes pas tout blanc, ni tout noir, et c’est pour cela que nous sommes tous beaux » dira-t-elle à la fin. Ce réveil de nos corps et de nos esprits engourdis ne peut que se faire à travers la souffrance. Au fur et à mesure la danse devient plus complexe, entremêlée des sonorités orientales et occidentales et, donc plus compliquée. Mais le corps finit par trouver une certaine rectitude, une assise particulière face à la croix, gagnant aussi en légèreté et en joyeuse innocence.
Puis une fois de plus, les Happy Gospel Singers ont enthousiasmé l’assistance.
Dès leur entrée en procession, le ton est donné. Des voix à la fois pures et pleines de vigueur, des costumes aux couleurs vives et lumineuses rappelant les processions de baptême des communautés baptistes, réchauffent l’atmosphère de cette soirée pluvieuse.
Dès lors, la magie opère et les spectateurs sont invités à un voyage spirituel particulier.
Benoit Rottier, chef de chœur, nous explique les origines de ces chants issus de la longue tradition chrétienne noire américaine.
Le concert évolue entre grand chœur et petits chœurs, entre gospel, negro spirituals et chants africains comme Amazing Grace, chant d’Afrique du Sud, ou Swing low, bien connu des supporters de rugby.
Les coupoles et dômes de la vieille abbaye vibrent donnant corps à ce que les bénédictins appellent l’encastrement des 3 voûtes. Lors du solo saisissant, d’une voix ample et cristalline, de Keep your hand on the plow, le silence se fait, plongeant l’assemblée dans un recueillement impressionnant. Nous étions presque au paradis ! Ce paradis si présent dans ces cantiques qui reprennent la Parole de Dieu, la grande histoire de la libération du peuple juif qui n’est pas sans rappeler les difficultés du peuple noir américain avant l’abolition de l’esclavage. Les trompettes de Jéricho tonnaient dans une explosion de sons et faisaient tomber les dernières réticences, à tel point que certains n’hésitaient pas à reprendre les gestes esquissés par les choristes. Puis c’est tous ensemble que, sur la demande de Benoit, nous mimons un chant de travail, véritablement inscrits, dès lors, dans la grande histoire de la création du monde.
Vidéo Gabriel Saint Mézard que vous pouvez visionner en plein écran.
Le père évêque fit une synthèse de la soirée, montrant les 3 niveaux de lecture possibles
- Les negro-spirituals qui sont l’expression de la souffrance et de l’espoir des noirs récemment émancipés
- Les cantiques emplis de la Parole divine
- Les chants de crise qui expriment les difficultés rencontrées aujourd’hui!
Et rappelant l’importance du dialogue interreligieux mené sur le diocèse d’Agen avec les communautés juives et musulmanes.
Dans ce lieu chargé d’histoire, où la Parole de Dieu est si présente, le spectacle proposé a pris tout son sens. Ce soir, Dieu n’a pas fait que nous parler, que nous interpeller. Il demande une réponse de notre part. Dieu, ici, encore une fois, s’est fait conversation, nous posant la question même de notre origine « Adam où es-tu ? »
Ghislaine Durovray
Photos : Lyliane Menesplier
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