Les fondements de l’église romane d’Aubiac sont mystérieux. On sait seulement qu’elle appartenait à l’origine à la seigneurie qui l’entourait entièrement.
Elle est portée sur la charte de l’Abbaye de Cluny de 1049 et apparaît aussi en 1281 dans le testament du Seigneur de Galard, alors maître des lieux.
Puis, au début du 16ème siècle, cette dernière passa dans les mains de la famille de Lart et à la fin du même siècle aux Narbonne-Lara.
En 1740, l’église fut rattachée à l’abbaye de Clairac.
Il existait à Aubiac une Confrérie des fidèles trépassés érigée le 12 juin1754 par le pape Benoit XIV. Elle organisait des cérémonies et processions de l’église au cimetière qui prirent rapidement le nom de « processions noires ». Il faut savoir que le noir n’a pas toujours eu la connotation négative qu’on lui connait. Il y avait d’ailleurs deux mots pour qualifier le noir : niger et atra. Ce dernier a donné « atrabilaire ». Le premier était aérien, lumineux et portait en lui des notions de renaissance, résurrection,… Le second était souterrain, sombre et portait en lui l’idée de mort, de destruction,….
En 1763, le Comte Louis de Narbonne-Lara, ministre de la guerre de Louis XVI et futur aide de camp de Napoléon 1er, bâtit le château actuel sur les murs de l'ancienne seigneurie.
En 1767, il y eut une période de grand froid et en 1769 de sècheresse. Des prières publiques furent mises en place en ces occasions pour demander la fin des calamités.
Suite à un incendie en 1784, le manoir fut reconstruit pour prendre sa forme actuelle. Il fut plus tard la propriété de la famille de l’ancien ministre agenais Sylvain Dumont.
Jusqu’à la révolution, il existait une boucherie, propriété du Seigneur, et une taverne appartenant aux Consuls.
De 1317 à 1801, elle a appartenu, comme l’ensemble du Bruilhois, à l’évêché de Condom par décision du pape Jean XXII qui trouvant le diocèse d’Agen trop grand fondit celui de Condom en prenant la Garonne comme limite.
Au milieu du 19ème siècle, le château est au cœur de l'activité agricole du village. Une vingtaine de métayers exploitent les nombreuses terres qui s'étendent jusqu'à Laplume.
Jusqu'en 1950, le château a été un domaine viticole dont la production était vendue dans les hôpitaux de Bordeaux.
Sur la petite place devant l’église, se trouve une statue de Marie telle qu’elle est représentée sur la Médaille Miraculeuse. Marie, apparemment enceinte, apparait debout sur un globe, les pieds posés sur un serpent, symbole du mal. Cette représentation fait référence à un texte de l’Apocalypse :
« Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, … était enceinte et elle criait, torturée par les douleurs de l'enfantement…... Or, la Femme mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un sceptre de fer. ….. »
Mais est aussi à mettre en parallèle avec la promesse de la Genèse : « Je mettrai l'hostilité entre toi et la femme, entre sa descendance et la tienne. Elle t'écrasera la tête, tandis que tu la mordras au talon. » (Gn 3, 14-15).
Classée monument historique le 20 juillet 1908, l'église romane Sainte-Marie, fut construite entre le 9ème et le 12ème siècle sur les assises d'un édifice mérovingien. La mise à jour en 1984, sous l'ancienne sacristie, de sarcophages de cette époque, en témoigne ainsi que l’assise de l’église en petits moellons visibles à l’extérieur comme à l’intérieur de l’église.
Jusqu’à la Révolution, l’église fut placée sous le vocable de Notre Dame. Après le Concordat, pendant quelques années, elle porta le nom de Saint Abdon. On ignore pourquoi et comment s’est opéré ce changement. Cependant, il semblerait qu’une chapelle lui était dédiée et que l’on s’y rendait même en procession. Saint Abdon est le patron des tonneliers et il est fêté le 30 juillet.
Sur la chapelle Est, on peut apercevoir des modillons (corbeaux sculptés) représentant un lion souriant, un homme avec un sexe proéminent et deux figures solaires dont l’une ressemble étrangement à un lion souriant vu de face. Le lion, depuis le IIIème siècle, est un symbole de résurrection. En effet, une légende provenant des bestiaires montre le lion ramenant ses lionceaux morts-nés à la vie après qu'ils aient passé trois jours dans les limbes. Le phallus est représenté couramment depuis la préhistoire et fut l’attribut de nombreux dieux tels qu’Osiris, Bacchus ou Priapre. Il est un symbole de fécondité et donc du Dieu créateur.
La chapelle Sud est surmontée d’une croix alors que les deux autres chapelles sont surmontées d’une simple boule, peut-être une représentation de la sainte trinité mais pourquoi la croix ne se trouve-t-elle pas sur la chapelle Est?
Des modillons de cette chapelle sont à examiner avec attention. On y trouve deux personnages dans une position non équivoque présentant leur sexe et deux personnages s’accouplant. Celui qui a perdu une jambe présente même un trou à la place de l’anus. Il est difficile de savoir s’il possédait un phallus comme le personnage de la chapelle Est ou si c’est la représentation du sexe féminin. Cependant la symbolique est la même à savoir fécondité et forces créatrices.
Le clocher possède deux cloches mais en a surement possédait trois car, si l’on monte dans la tour, on peut nettement voir les encoches faites dans les poutres permettant d’en supporter une troisième. Une des deux cloches restantes porte la date de 1949 et un Christ en croix.
Sur la façade Nord, on peut apercevoir une ancienne ouverture murée. Elle interpelle par son étroitesse et par le fait que le linteau est en 3 parties, la partie centrale étant composée d’une croix monolithique. Cette petite porte me fait penser à la porte des pénitents de l’église de Saint Sardos qui obligeait ceux-ci à pénétrer dans l’église à genou, en référence aux paroles de Jésus en Luc 13, 24 : «Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas »
Sur les chapiteaux des colonnettes de gauche nous pouvons voir des lions souriants et à droites des aigles picorant une palmette. Le lion présenté comme pouvant dormir les yeux ouverts, est tout naturellement devenu le gardien des temples et c’est donc tout simplement qu’il s’est retrouvé sur les portails d’église. L’aigle est le pendant aérien du lion. Comme lui, sa symbolique porte en elle des notions de résurrection, de royauté et de puissance. L’aigle picorant une palmette est aussi un symbole de l’âme se nourrissant de l’eucharistie. Ainsi dès l’entrée, le ton est donné, nous savons que nous pénétrons dans un édifice dédié au Christ ressuscité et où est célébrée l’eucharistie.
Sur le portail, de simples arcatures de tors simple et de billettes, que nous retrouvons sur tous les portails du sud-ouest ou presque. La sculpture appartient au courant languedocien et est à rapprocher de celle de l’église Notre Dame de Moirax, distante seulement de cinq kilomètres.
Pour poursuivre la visite, poussez la porte, entrez ...
Ghislaine Durovray
Photos : Michel Teytau