Homélie de Mgr Hubert HERBRETEAU pour la célébration eucharistique à la Grotte de
Lourdes, le mercredi 15 juillet 2020
(Mt 11, 25-27)
Chers amis, frères et sœurs,
Nous venons d’entendre la prière de Jésus : « Père,
Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta
louange... »
Entrons dans le mouvement de cette prière qui nous est familière, admirons la profondeur de ces quelques mots prononcés par Jésus avec des mots simples !
Proclamer la louange, c’est élargir son cœur, laisser Dieu être Dieu, c’est dilater notre vie un peu comme on dit qu’un métal se dilate ou que les pupilles se dilatent. Les tout-petits ont cette capacité d’élargissement du regard, d’ouverture aux autres, bien plus que ceux qui deviennent autosuffisants dans leur savoir.
Quand Jésus met en valeur les tout-petits dans sa prière, il se met du côté de ceux qui sont affamés de justice, les mains vides devant Dieu. Il porte l’attente de tout un peuple.
Cette prière de Jésus comporte trois aspects qu’il est important de méditer en cette période que nous vivons :
- Jésus s’adresse au Seigneur tout-puissant ;
- c’est une prière d’abandon ;
- et enfin une prière pleine d’espérance.
La toute-puissance de Dieu
La prière de Jésus est la prière des pauvres de Dieu. À sa manière, la Vierge Marie entre dans cette même
dynamique de louange, avec le chant du Magnificat. En proclamant la puissance de Dieu, celui qui prie est
amené à relativiser par le fait même tous les pouvoirs humains, les ambitions, la prétention à tout savoir.
À l’univers où chacun se veut plus haut que l’autre, à l’univers où chacun prend les biens d’autrui pour une
menace, à l’univers de la violence où chacun s’efforce de dominer, Jésus oppose l’univers du Seigneur du ciel
et de la terre.
La prière de Jésus est la prière des humbles. Nous sommes dans une société où les « sages et les savants »
font sentir leur pouvoir. Mais la crise sanitaire que nous venons de vivre montre que la science et la technique
ont aussi des limites. Comment accepter de de ne pas tout savoir ?
La révélation du mystère de Dieu se déploie envers les tout-petits. En d’autres termes, Marie dans son
Magnificat parle du monde de la superbe, de la richesse. Lorsque Marie chante : « Mon âme exalte le Seigneur
et mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur », elle rejoint la prière de Jésus : « Père, Seigneur du ciel et de la
terre, je proclame ta louange. »
La prière de Jésus exprime que Dieu s’est abaissé vers nous. Elle nous fait entrer dans le cœur même de
Dieu. Jésus nous invite à nous associer à sa louange. Comme le psalmiste qui s’écrie : « Magnifiez avec moi
le Seigneur » (Ps 33, 1).
L’abandon entre les mains de Dieu
Comprenons bien que cette toute-puissance de Dieu n’est pas pesante, écrasante, emprise insupportable.
Elle est au contraire libératrice, preuve d’un amour inconditionnel de la part de Dieu qui protège, guide,
accompagne avec bienveillance.
Les pauvres de Dieu vivent de cette confiance en Dieu. Entrer dans le mouvement de la prière de Jésus à son
Père, c’est vivre un abandon entre les mains de Dieu. Ce que Thérèse de Lisieux, et bien d’autres témoins de
la foi, ont bien montré au cours de l’Histoire.
Le Père Jacques Sevin, par exemple, fondateur du scoutisme catholique en France, l’a très bien compris
lorsqu’il traduit cette humilité devant Dieu dans le chant de la promesse scoute. Le dernier couplet décrit
l’attitude de l’humilité : « Je suis faible, tu m’aimes. Je maintiendrai. » Autrement dit, l’important est de tenir,
de durer dans la fidélité au Seigneur. « Protège ma promesse, Seigneur Jésus. »
L’important est d’être docile à l’Esprit. L’humilité est une réponse à un souci de soi trop envahissant, qui
empêche tout progrès dans la vie spirituelle.
L’abandon en Dieu consiste à se laisser transformer. Cela suppose un travail intérieur, une écoute de l’Esprit
Saint. Il est notre maître intérieur. Il nous invite à la paix intérieure : « Sois sans crainte » nous dit le Seigneur.
C’est ce que Marie a entendu de l’ange Gabriel.
Une grande espérance
Après la reconnaissance de la toute-puissance de Dieu, l’abandon dans les mains de Dieu, le troisième aspect
de la prière de Jésus est l’espérance.
Les pauvres de Dieu savent que la violence et la haine n’auront pas le dernier mot, que l’injustice n’existera
plus, que le Royaume de Dieu sera définitivement établi. Ce n’est pas naïveté de leur part mais grande
espérance. C’est une espérance qui met à l’action, qui suppose au quotidien des gestes d’apaisement, de
fraternité et de solidarité avec les plus faibles et les plus vulnérables.
L’espérance de Jésus est que tous les hommes aient la vie en plénitude, la joie parfaite, la paix définitive. Il
l’a montré en prenant soin des malades et des exclus.
Chers amis, ces trois aspects de la prière de Jésus nous rejoignent dans notre actualité. Puissions-nous entrer
davantage dans cette prière avec confiance, abandon et espérance !
Amen !
Mgr Hubert HERBRTEAU
Grotte de Lourdes, le mercredi 15 juillet 2020